Face à l’urgence climatique et à la nécessité de diversifier les sources d’énergie, le secteur des transports, responsable d’environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France, est au cœur des débats. Si l’électrique attire l’attention médiatique, d’autres alternatives émergent ou se consolident dans l’ombre. C’est le cas du GNC, ou gaz naturel compressé, qui séduit de plus en plus de collectivités et de flottes professionnelles. Mais que vaut vraiment ce carburant “plus propre” ? Peut-il jouer un rôle de transition crédible dans la décarbonation des mobilités ? Décryptage.
Un carburant fossile… moins polluant
Le GNC est constitué principalement de méthane (CH?), extrait soit directement du sous-sol (gaz naturel), soit via des procédés de méthanisation (biogaz). Une fois compressé à environ 200 bars, il devient utilisable comme carburant dans des véhicules adaptés : bus, camions, utilitaires, et même certains véhicules particuliers.
Comparé aux carburants traditionnels (diesel ou essence), le GNC présente plusieurs avantages environnementaux :
- Réduction de 25 % des émissions de CO? à l’usage,
- Baisse significative des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote (NOx),
- Moins de nuisances sonores (moteurs GNC plus silencieux),
- Potentiel de neutralité carbone si utilisé sous forme de bioGNC (issu du biométhane).
Pour une présentation technique complète, lire l’article Qu’est-ce que le GNC ?
Un carburant déjà adopté par les collectivités
En France, plusieurs villes ont fait le choix du GNC pour leurs flottes de bus ou de bennes à ordures :
- À Paris, la RATP a introduit des bus GNV (véhicules au gaz naturel pour véhicules) dès 2015, en vue de réduire les nuisances dans les quartiers denses.
- À Toulouse, l’intégralité des nouvelles bennes à ordures ménagères fonctionne au gaz naturel depuis 2021.
- Dijon, Lille, Nantes, Strasbourg… de nombreuses agglomérations ont investi dans des stations GNC publiques ou privatives.
La loi de transition énergétique de 2015 avait d’ailleurs fixé des objectifs clairs : les flottes de plus de 100 véhicules devaient intégrer un certain pourcentage de véhicules “propres”, parmi lesquels le GNC figure en bonne place.
Particuliers : une adoption encore marginale
Malgré ses atouts, le GNC reste encore méconnu du grand public. Plusieurs raisons expliquent cette faible pénétration :
- Offre limitée de modèles particuliers neufs compatibles GNC sur le marché français,
- Manque de stations : à peine plus de 150 points d’avitaillement GNC en 2025 sur le territoire, contre plus de 12 000 stations-service classiques,
- Coût d’acquisition supérieur à un véhicule thermique classique (hors aides),
- Peu d’informations disponibles au moment de l’achat.
Les automobilistes français privilégient encore largement l’hybride ou l’électrique, pourtant souvent plus coûteux ou contraignants à recharger.
Prix, autonomie, disponibilité : le GNC est-il vraiment compétitif ?
Prix à la pompe
Le GNC reste l’un des carburants les moins chers du marché : en 2025, son prix moyen tourne autour de 1,10 €/kg, soit l’équivalent de 0,95 € par litre d’essence, une fois ramené au kilomètre parcouru. Cela en fait une option attractive pour les usages intensifs (livraison, navettes, etc.).
Autonomie
Un véhicule au GNC dispose généralement d’une autonomie de 300 à 450 km avec un plein, selon le modèle. Certains véhicules sont dits “bicarburation” (GNC + essence), offrant ainsi une autonomie combinée de plus de 800 km.
Réseau de stations
Le principal frein reste la densité du réseau : à l’échelle européenne, l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie disposent de réseaux plus étoffés. En France, le développement reste lent, bien qu’accéléré par le soutien de l’ADEME et des collectivités.
Le rôle clé du bioGNC dans la transition énergétique
Le GNC devient vraiment vertueux lorsqu’il est issu de la filière biogaz, c’est-à-dire produit localement par méthanisation de déchets organiques (déchets agricoles, boues d’épuration, biodéchets).
Ce bioGNC permet :
- une baisse de 80 à 95 % des émissions de CO? par rapport au diesel,
- un bouclage local de la production et de la consommation,
- le soutien à l’agriculture et à l’économie circulaire.
En 2025, environ 25 % du GNC consommé en France est d’origine renouvelable. Ce chiffre pourrait grimper à 50 % d’ici 2030, selon les projections du gouvernement.
Un carburant de transition ou une fausse bonne idée ?
Le débat reste vif entre partisans du GNC comme solution de transition et ceux qui considèrent qu’il ne fait que retarder l’adoption massive de l’électrique ou de l’hydrogène.
Les arguments en sa faveur :
- Moins polluant à court terme que le diesel,
- Idéal pour les usages professionnels à forte amplitude (bus, poids lourds),
- Infrastructures compatibles avec le biométhane.
Les critiques formulées :
- Le GNC reste un carburant fossile s’il n’est pas issu du biogaz,
- Sa disponibilité mondiale est limitée, notamment dans un contexte de tension sur les marchés gaziers,
- Il nécessite des investissements spécifiques (stations, maintenance, normes).
Un enjeu de souveraineté énergétique et locale
À l’heure où la France cherche à réduire sa dépendance aux énergies importées, développer le bioGNC localement devient une opportunité stratégique :
- Valorisation des déchets du territoire,
- Création d’emplois non délocalisables dans les zones rurales,
- Réduction des émissions tout en maintenant des flottes lourdes performantes.
Les collectivités, entreprises de transport et agriculteurs peuvent s’y retrouver, à condition d’un cadre clair, d’un soutien public stable et d’une meilleure sensibilisation des usagers.